Presenced'EspritCorps

Nous vivons à une époque qui nous sur-stimule et nous disperse. Beaucoup d’entre nous trouvons difficile de garder un équilibre face aux multiples sollicitations quotidiennes et de rester présents à ce que nous faisons, ce qui induit souvent un excès de tension mentale et physique, et de stress.

A l’intersection des pratiques orientales et occidentales, la méthode psychocorporelle de l’australien FM Alexander (1869-1955) nous apprend à changer nos modes de réaction inadaptés en coordonnant consciemment la pensée et le corps à tout moment de la journée.

Pour revenir à vous-mêmes vous pouvez déjà marquer une courte pause et vous demander comment vous abordez ce geste, ce mouvement, cette activité : dans une certaine agitation, en vous raidissant ou en vous tassant inutilement ? Ou avec aisance, dans la légèreté et l’expansion ?

Et plutôt que d’essayer de corriger quoi que ce soit, y-a-t-il quelque chose de superflu que vous pouvez simplement arrêter de faire, ici et maintenant ? C’est depuis ce non-faire, en effet, que nous pouvons élargir le champ des possibles, au-delà des limites contraignantes de nos habitudes mentales et physiques, et que nous pouvons réorienter notre pensée et notre corps vers plus d’expansion et de liberté.

Notre présence d’esprit et de corps dépend d’un recentrage à la fois mental et physique. Car notre structure physique est également organisée autour de la relation centrale entre la tête, la colonne vertébrale, et le reste de l’organisme. Lorsque cet axe central est faible ou perturbé, le reste du corps doit compenser de plusieurs façons. Lorsqu’il est solide, nous sommes capables de retrouver une verticalité souple et dynamique et agir depuis un point de stabilité et d’équilibre, avec la quantité d’effort appropriée. Revenir à nous-mêmes en apprenant à ne pas nous désaxer face aux stimulations extérieures et intérieures nous aide à prendre du recul et à répondre de façon plus ajustée.

Ce que dit Alexander...

  • L’Héritage suprême de l’homme (HSH)/Man’s Supreme Inheritance (1910) 
  • Vers un contrôle constructif conscient de l’individu (CCCI)/Conscious Constructive Control of the Individual (1923)
  • L’Usage de soi (US)/The Use of the Self(1932)
  • La Constante universelle de l’art de vivre (CUV)The Universal Constant in Living (1941)
  • Articles and Lectures (A&L, 1995)
« J’aimerais faire remarquer en passant que la théorie et la pratique de mon système ne sont influencées par aucune religion et aucune école de philosophie particulière, mais qu’en un sens elle les embrasse toutes » (HSH 25)

Le changement par la prévention et le non-faire

« C’est ce que l’homme fait qui provoque ce qui ne va pas, d’abord en lui-même et ensuite dans ses activités dans le monde extérieur. C’est uniquement en prévenant ce 'faire' qu’il pourra commencer à obtenir un changement véritable » (HSH 7)
« Ma technique est fondée sur l’inhibition de réponses indésirables, non souhaitées, aux stimuli ; par conséquent il s’agit essentiellement d’une technique pour le développement du contrôle de la réaction humaine » (CUV 138)

« Tous ceux qui souhaitent changer quelque chose en eux-mêmes doivent apprendre à faire de l’inhibition de leur réaction immédiate à tout stimulus pour atteindre le but recherché un principe de vie» (US 113)

« Dans mon travail, je m’intéresse principalement au non-faire dans le sens fondamental de ce que nous ne devrions pas faire dans l’usage de nous-mêmes au cours de nos activités quotidiennes ; en d’autres termes, ce qui m'intéresse c'est de prévenir le mauvais usage habituel des mécanismes psychophysiques qui font de ces activités une source constante de tort pour l’organisme » (CUV 151)

« Une forme de non-faire qui ne doit pas être confondue avec de la passivité ; c’est une forme de non-faire qui nous empêche de nous faire mal par une mauvaise direction de l’énergie et par des réactions non contrôlées » (CUV 153)

La pleine conscience contre les habitudes mentales et physiques

« La majorité des gens tombe dans une habitude mécanique de pensée presque aussi facilement que dans une habitude mécanique corporelle, qui est sa conséquence immédiate » (HSH 75)

« Lorsqu’on rééduque l’individu, le premier effort doit aller vers l’éducation de l’esprit conscient » (HSH 161)

« L’axe central de ma théorie et de ma pratique, sur lequel je ne pense pas pouvoir insister suffisamment : que L’ESPRIT CONSCIENT DOIT ETRE ACCELERE » (HSH 59)

« Le cerveau s’habitue à penser d’une certaine manière, il travaille dans une ornière, et, quant il est mis en action, il glisse le long du passage familier, bien tracé. Toutefois, lorsqu’on le sort de cette ornière, il est surprenant de voir combien il est facile de le diriger » (HSH 96)

La pensée, le ressenti, et la perception sensorielle

« Toute activité soi-disant mentale est un processus gouverné par notre condition psychophysique au moment où nous recevons un stimulus particulier» (CCCI 100)
« Nous développons l’habitude d’exécuter un certain acte d’une certaine façon, et nous faisons l’expérience d’une certaine sensation en connexion à cet acte, sensation que nous reconnaissons comme ‘juste’. L’acte et la sensation particulière qui lui est associée deviennent une seule et même chose dans notre perception» (CCCI 130)

«  Dans notre conception de comment nous allons employer les différentes parties [de notre organisme] dans les actes de la vie de tous les jours, nous sommes principalement influencés par les processus sensoriels (sensation). Ainsi, nous recevrons un stimulus via quelque chose que nous entendons, quelque chose que nous touchons, ou via quelque autre intermédiaire ; dans chaque cas, la nature de notre réponse, que ce soit un mouvement effectif, une émotion, ou une opinion, dépendra de l’activité associée, en action et en réaction, aux processus impliqués dans la conception et dans les mécanismes sensoriels (et autres) qui sont responsables de ce que nous ressentons. Tout au long de mon travail, je fais référence à cette activité associée sous le nom d’appréciation sensorielle » (CCCI 59)

« De notre point de vue, l’appréciation sensorielle revêt une signification beaucoup plus large que celle qu’on lui attribue généralement. Elle inclut toutes les expériences sensorielles qui sont véhiculées par les canaux de la vue, de l’ouïe, du toucher, du ressenti, de l’équilibre, du mouvement, etc , et qui sont responsables des actions et réactions psychophysiques dans tout le corps» (CCCI 60)
« Il nous faut reconnaître que nos particularités sensorielles sont les fondements de ce que nous considérons comme nos opinions et qu’en fait, neuf fois sur dix, les opinions que nous formons sont le résultat de ce que nous sentons plutôt que de ce que nous pensons » (CCCI 142)

« Le défaut fondamental sous-tendant tous les défauts, imperfections et manies psychophysiques humains est une appréciation sensorielle imparfaite et souvent trompeuse. Si l’on ne commence pas par restaurer les conditions qui permettent à l’appréciation sensorielle (l’enregistrement) de redevenir un guide fiable, tous les exercices proposés constituent un réel danger » (CCCI 105)

« L’établissement d’une appréciation sensorielle fiable doit être le fondement de l’éducation des enfants et des adultes dans ce que nous appelons l’acte d’apprendre et d’apprendre à faire, ou dans l’exécution de toutes les activités qui font la routine journalière des occupations et des loisirs » (CCCI 106)
Contre la posture, et pour un contrôle central dynamique de l’axe tête-cou-dos
« Cela me conduisit à découvrir qu’une relativité particulière de la tête et du cou, et de la tête et du cou par rapport aux autres parties de l’organisme entraîne une tendance à un usage et un fonctionnement corrects ou incorrects de l’organisme dans son intégralité, et que la motivation de cet usage se faisait depuis la tête vers le bas » (CUV 170)

«Une reconnaissance de l’existence d’un contrôle central (premier) qui influence indirectement l’activité des mécanismes posturaux (…) : hélas, l’influence d’une mauvaise direction du contrôle central sur l’activité des mécanismes psychophysiques n’a pas été reconnue » (CUV 162-63)

« Les ‘positions’ ou ‘postures correctes’ ne trouvent par leur place dans la technique d’enseignement pratique utilisée dans le travail de rééducation préconisée dans ce livre. Une position ou une posture correcte indiquent une position fixe, et une personne tenue à une position (ou qui tient à une position) ne peut pas se développer, tel que nous comprenons le développement . Pour toute personne qui avance dans le travail de rééducation et de coordination, la position correcte du jour ne peut pas être la position correcte la semaine suivante » (CCCI 164)

« Il ne peut pas exister de ‘bonne’ position ; par contre, il existe une bonne direction » (A&L 194)
L'intelligence, et le bonheur

« J’aimerais insister ici sur le danger qui consiste à attacher une valeur exagérée à une forme d’intelligence qui se manifeste uniquement dans une sphère spécifique. On ne devrait  évaluer l’être humain que selon sa capacité à utiliser sa pensée de façon utile et pratique dans les activités courantes et générales de la vie quotidienne » (CCCI 237)

« Dans une civilisation comme la nôtre, où l’agitation, les troubles, l’absence de joie et le manque d’intérêt pour les choses réelles de la vie est frappant, tous nos efforts devraient tendre à donner à l’être humain la possibilité (le pouvoir) de maintenir l’intérêt et la satisfaction dont fait preuve l’enfant sain lorsqu’il emploie son organisme correctement » (CCCI 254)

« Malheureusement, on nous a appris que tous les actes les plus ordinaires, les plus nécessaires, et de ce fait les plus souvent répétés de la vie, doivent être automatiques et inconscients. Pour cette raison, ils nous sont devenus indifférents. La condition psychophysique correspondante induit la stagnation dans l’organisme, et, comme cet état  devient de plus en plus prononcé avec l’âge, nous perdons progressivement notre capacité à porter un intérêt conscient et à trouver du plaisir à ces activités normales et utiles de la vie dans ce que nous faisons, entendons, voyons, etc. Il n’est guère surprenant que, tôt ou tard, nous cherchions une satisfaction dans des activités moins normales et moins utiles, et que les besoins nocifs et injustifiés pour des plaisirs, excitations ou stimulations spécifiques augmentent » (CCCI 256)

« Quelqu’un a dit, en se référant à la monotonie de l’environnement dans lequel l’homme vit et évolue, qu’elle était la pierre tombale de l’existence. Mais que devrions-nous dire de la monotonie à l’intérieur du soi psychophysique de l’homme, monotonie causée par la cessation progressive des sensations impliquées dans les nouvelles expériences qui ont accompagné la croissance et la mobilité de l’organisme depuis la naissance ? C’est en effet la monotonie dans sa forme la plus nocive, car elle va de pair avec un degré croissant de stagnation de tout l’organisme » (CCCI 257-58)

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